Page:Zola - Le Vœu d’une morte, 1890.djvu/140

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tint aux aguets épiant les actions de Jeanne, commentant ses moindres gestes et ses moindres paroles. Il s’irritait de ne pouvoir vivre davantage dans son intimité. À peine la voyait-il traverser une pièce, à peine l’entendait-il rire, prononcer quelques mots rapides. Et il n’osait pénétrer dans sa vie. Elle lui paraissait inabordable, entourée d’une lueur aveuglante ; lorsqu’elle était devant lui, dans l’éclat de sa beauté et de sa jeunesse, il se sentait écrasé comme par la présence d’une divinité.

Chaque soir, vers quatre heures, lorsqu’il faisait beau, il se mettait à sa fenêtre. En bas, dans la cour, une voiture attendait Mme Tellier et Jeanne, pour les conduire au bois. Les deux femmes descendaient lentement le perron, traînant leurs longues jupes. Et Daniel ne voyait que la jeune fille.

Il étudiait ses moindres mouvements. Elle se laissait aller sur les coussins de la voiture avec une nonchalance qui lui déplaisait. Puis, ses toilettes le choquaient : il comprenait que c’étaient