Page:Zola - Les Trois Villes - Paris, 1898.djvu/112

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chez les Duvillard, dans le tiède salon bleu et argent, pendant que le vieil homme mourait ; et c’était pour ce misérable mort qu’il avait couru ensuite à la Chambre, chez madame de Quinsac, chez cette Silviane et chez cette Rosemonde ; et c’était pour ce libéré de la vie, cet évadé de la misère, qu’il avait fatigué les gens, troublé les égoïsmes, inquiété la paix des uns, menacé les plaisirs des autres ! À quoi bon courir de la caverne parlementaire au froid salon où se glaçait la poussière du passé, aller de la débauche bourgeoise à l’extravagance cosmopolite, puisqu’on arrivait toujours trop tard, sauvant les gens quand ils étaient morts ? Quel ridicule, que de s’être laissé embraser de nouveau par cette flambée de charité, un dernier incendie dont il ne sentait plus en lui que la cendre ! Cette fois, il se crut mort lui-même, il n’était plus qu’un sépulcre vide.

Et tout cet affreux vide, ce néant qu’il avait éprouvé le matin, au Sacré-Cœur, après sa messe, se creusait plus profond, désormais insondable. Avec la charité illusoire, inutile, l’Évangile croulait, la fin du Livre était prochaine. Après des siècles d’obstinées tentatives, la rédemption par le Christ échouait, il fallait un autre salut au monde, en face du besoin exaspéré de justice qui montait des peuples dupés et misérables. Ils ne voulaient plus du paradis menteur dont on berçait depuis si longtemps l’iniquité sociale, ils exigeaient qu’on remît sur la terre la question du bonheur. Comment ? Par quel culte nouveau ? par quelle entente heureuse entre le sentiment du divin et la nécessité d’honorer la vie, dans sa souveraineté et sa fécondité ? Là commençait l’angoisse, le problème torturant où il achevait de sombrer, lui prêtre, avec ses vœux d’homme chaste et de ministre de l’absurde, mis à l’écart des autres hommes.

Mais la constatation n’en était que plus redoutable : il cessa de croire à l’efficacité de l’aumône, être charitable