Page:Zola - Madeleine Férat, 1869.djvu/174

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foyer pénétrait leur chair, tout à l’heure glacée, il leur semblait que leur sang devenait plus épais, coulait avec une difficulté plus grande. Leurs souffrances, moins aiguës, tournaient en eux comme des meules lentes. Ils n’éprouvaient plus qu’une espèce d’écrasement continu ; les brûlures vives, les déchirements secs s’étaient apaisés, et ils s’abandonnaient à cet étouffement de leur être, comme une personne lasse qui se laisse aller au sommeil. D’ailleurs, ils ne dormaient point ; leurs pensées se noyaient dans leur hébétement, mais elles flottaient toujours, confuses et pesantes tournant sur elles-mêmes, avec des souffrances vagues, au fond de leur cerveau endolori.

Ils n’auraient pu prononcer une parole sans une incroyable fatigue. Assis devant le feu, ils s’affaissaient dans leur fauteuil, muets, comme à mille lieues l’un de l’autre.

Madeleine, en changeant de vêtements, avait retiré ses jupons et ses bas couverts de boue. Elle avait ensuite mis une chemise sèche et s’était simplement enveloppée dans un long peignoir de cachemire bleu. Les pans de ce peignoir, en retombant sur les bras du fauteuil où elle se trouvait assise, découvraient ses jambes nues que la flamme dorait. Ses pieds, à peine entrés dans de petites pantoufles, prenaient des tons roses sous les reflets ardents du brasier. Plus haut, le peignoir s’écartait encore, montrant la gorge que la chemise ouverte cachait à peine. La jeune femme rêvait en regardant les bûches embrasées. On eût dit qu’elle ignorait sa nudité et qu’elle ne sentait pas sur sa peau les caresses cuisantes du feu.

Guillaume la contemplait. Peu à peu, il laissa aller sa tête sur le dossier du fauteuil, et là ferma les yeux à demi, paraissant sommeiller, mais ne quittant pas Madeleine du regard. Il s’absorba dans le spectacle de cette créature demi-nue, dont les formes grasses et fermes n’éveillaient en lui qu’une inquiétude douloureuse ; il n’éprouvait aucun désir, il lui trouvait une attitude de