Page:Zola - Travail.djvu/109

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Les deux femmes paraissaient amies. À peine s’il y eut, chez Suzanne, un léger battement de paupières, lorsqu’elle vit Boisgelin s’empresser autour de Fernande, qui, d’ailleurs, devait le bouder, car elle l’accueillit de l’air glacial qu’elle prenait, lorsqu’il tentait d’échapper à un de ses caprices. L’air inquiet, il revint près de Luc et de Delaveau, qui se connaissaient, du printemps dernier, et qui se serraient la main. Mais la présence inattendue du jeune homme à Beauclair semblait jeter le directeur de l’Abîme dans une sorte d’émoi.

« Comment ! vous êtes ici depuis hier ? Et, naturellement, vous n’avez pas trouvé Jordan, puisqu’une brusque dépêche l’a forcé à partir pour Cannes… Oui, oui, je sais cela, mais je ne savais pas qu’il vous eût appelé… Le voilà avec des ennuis, à cause de son haut fourneau. »

Luc fut surpris de le voir si ému, au point qu’il le sentait près de lui demander pourquoi Jordan l’avait fait venir à la Crêcherie. Il ne comprit pas la cause de cette soudaine inquiétude, il répondit au hasard :

« Oh ! des ennuis, croyez-vous ? Tout marche très bien. »

Alors, Delaveau, prudemment, pour parler d’autre chose, apprit à Boisgelin, qu’il tutoyait, une bonne nouvelle, l’achat par la Chine d’un stock d’obus défectueux, qu’on allait remettre à la fonte. Et il y eut une diversion, lorsque Luc, qui adorait les enfants s’égaya, en voyant Paul donner ses fleurettes à Nise, sa grande amie. Quelle jolie fillette, pareille à un petit soleil, tant elle était blonde ! Et comment avait-elle pu naître ainsi, d’un papa et d’une maman si bruns ? Fernande, qui avait salué Luc, en le fouillant de son regard aigu, pour savoir s’il serait un ami ou un ennemi aimait qu’on lui posât cette question, à laquelle, d’un air glorieux elle répondait par une allusion très claire au grand-père de l’enfant le fameux prince russe.