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même pas, gardant ses clairs sourires pour le sous-préfet, en face d’elle. Et, depuis huit jours, c’était ainsi. Elle le sevrait de toute douceur, quand il se permettait de ne pas obéir immédiatement à un de ses caprices. Or, le fond de leur présente querelle était qu’elle avait exigé qu’il donnât une chasse à courre, pour la seule joie du costume nouveau qu’elle y porterait. Il s’était permis de ne pas vouloir, tant la dépense devait être grosse, d’autant plus que Suzanne, avertie, l’avait supplié d’être un peu raisonnable et la lutte avait fini par s’établir ainsi entre les deux femmes, il s’agissait de savoir qui l’emporterait, de la maîtresse ou de l’épouse. Durant le déjeuner, Suzanne, de son doux et triste regard, n’avait rien perdu de la froideur jouée de Fernande, ni des empressements inquiets de son mari. Aussi, lorsque ce dernier proposa une promenade, comprit-elle qu’il cherchait uniquement une occasion de s’isoler avec la boudeuse, pour se défendre et la reconquérir. Blessée, incapable de combattre, elle se retira dans sa dignité souffrante, en disant qu’elle resterait, afin de tenir compagnie aux Mazelle qui, par hygiène, ne se remuaient jamais au sortir de table. Le président Gaume, sa fille Lucile et le capitaine Jollivet déclarèrent également qu’ils ne bougeraient pas ; ce qui fit que l’abbé Marle proposa une partie d’échecs au président. Le jeune Achille Gourier avait déjà pris congé, heureux de retrouver sa libre rêverie par la campagne vaste, sous le prétexte d’un examen qu’il préparait. Et il n’y eut donc que Boisgelin, le sous-préfet, le ménage Delaveau, le ménage Gourier et Luc, qui se rendirent à la Ferme, d’un pas ralenti, au travers des hautes futaies du parc.

En allant, ce fut très correct, les cinq hommes marchèrent en un groupe, pendant que Fernande et Léonore venaient derrière, l’air enfoncé dans une conversation intime. Boisgelin se répandit en doléances sur les malheurs