Page:Zola - Travail.djvu/164

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gros boyaux métalliques, dont l’extraordinaire ensemble, la nuit surtout, prenait des silhouettes monstrueuses d’une fantaisie barbare. En haut, on distinguait, dans le flanc même du roc, la passerelle qui amenait les wagons de minerais et de combustibles, au niveau du gueulard. La cuve, en dessous dressait son cône noir, et c’était ensuite, dès le ventre jusqu’au as des étalages, une puissante armature de métal soutenant le corps de briques, servant de support aux conduites d’eau et aux quatre tuyères. Puis, tout en bas, il n’y avait plus que le creuset, où le trou de coulée était bouché d’un tampon de terre réfractaire. Mais quel animal géant, à la forme inquiétante, effarante, et dont la digestion dévorait des cailloux et rendait du métal en fusion !

Pas un bruit, d’ailleurs, pas une clarté. Cette digestion formidable était muette et noire. On n’entendait qu’un petit ruissellement, les continuelles gouttes d’eau tombant des flancs de briques. Seule, à quelque distance, la machine soufflante ronflait sans arrêt. Et, pour tout éclairage, trois ou quatre fanaux brûlaient, dans la nuit épaissie par les ombres des constructions énormes. Aussi ne distinguait-on que de pâles formes, les quatre ouvriers fondeurs de l’équipe nocturne, errant dans l’attente de la coulée. En haut, sur la plate-forme du gueulard, on n’apercevait même pas les chargeurs, qui, silencieusement, obéissaient aux signaux venus d’en bas, en versant dans le four les quantités voulues de minerai et de charbon. Et pas un cri, pas un flamboiement, une obscure et calme besogne, quelque chose de démesuré et de sauvage, qui s’accomplissait secrètement, les séculaires et laborieuses couches de l’humanité en mal de l’avenir.

Cependant, ému des mauvaises nouvelles, Jordan, que Luc avait rejoint, reprenait son rêve, en lui montrant d’un geste l’amas des constructions.

« Regardez, mon ami, n’ai-je pas raison de vouloir