Page:Zola - Travail.djvu/182

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mouvoir ; et n’était-ce pas ce qu’il lui fallait, les quelques pages de force et d’espoir dont il avait le besoin ? Il se recoucha, se mit à lire, passionné bientôt comme par un drame poignant, où le sort de la race se débattait. La doctrine, ainsi ramassée sur elle-même, ainsi réduite au suc des vérités qu’elle formulait, prenait une force extraordinaire. Il savait déjà toutes ces choses, il les avait lues dans les œuvres mêmes du maître, mais jamais elles ne l’avaient remué à ce point, conquis si profondément. Dans quelles dispositions d’esprit était-il donc, à quelle heure décisive de sa destinée se trouvait-il, pour que son cœur et son cerveau fussent possédés acquis d’un coup à la certitude ? Le petit livre s’animait, tout prenait un sens nouveau et immédiat, comme si des faits vivants surgissaient, se réalisaient devant lui.

Et toute la doctrine de Fourier se déroulait. Le coup de génie était d’utiliser les passions de l’homme comme les forces mêmes de la vie. La longue et désastreuse erreur du catholicisme venait d’avoir voulu les mater, de s’être efforcé de détruire l’homme dans l’homme, pour le jeter en esclave à son Dieu de tyrannie et de néant. Les passions, dans la libre société future, devaient produire autant de bien, qu’elles avaient produit de mal, dans la société enchaînée, terrorisée, des siècles morts. Elles étaient l’immortel désir, l’énergie unique qui soulève les mondes, le foyer intérieur de volonté et de puissance qui donne à chaque être le pouvoir d’agir. Privé d’une passion, l’homme serait mutilé, comme s’il était privé d’un sens. Les instincts, refoulés, écrasés jusqu’ici, ainsi que des bêtes mauvaises, ne seraient plus, libérés enfin, que les besoins de l’universelle attraction tendant à l’unité, travaillant parmi les obstacles à se fondre dans l’harmonie finale, expression définitive de l’universel bonheur. Et il n’y avait pas d’égoïstes, il n’y avait pas de paresseux,