Page:Zola - Travail.djvu/192

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pas d’autre tâche que d’éveiller les énergies. C’est un professeur d’énergie individuelle, simplement chargé de dégager les aptitudes de l’enfant, en provoquant ses questions, en développant sa personnalité. Il y a chez l’homme un immense, un insatiable besoin d’apprendre, de savoir, qui devrait être le seul aiguillon de l’étude sans qu’on eût besoin de punir et de récompenser. Et il suffirait évidemment qu’on se contentât de faciliter à chacun l’étude qui lui plaît et qu’on la lui rendît attrayante, en le laissant s’y engager de lui-même, puis y progresser par la force de sa propre compréhension avec la joie des continuelles découvertes. Que des hommes fassent des hommes en les traitant en hommes, n’est-ce pas là tout le problème de l’instruction et de l’éducation à résoudre ? »

L’abbé Marle, qui achevait sa tasse de café, haussa ses fortes épaules ; et, en prêtre que le dogme rend infaillible :

« Le péché est dans l’homme, et l’homme ne peut être sauvé que par la pénitence. La paresse, un des péchés capitaux, ne s’expie que par le travail, châtiment que Dieu imposa au premier homme, après la faute.

— Mais c’est une erreur, l’abbé, dit tranquillement le docteur Novarre, la paresse est une maladie, quand elle existe réellement, je veux dire quand le corps refuse tout travail, répugne à la moindre fatigue. Soyez certain, alors, que cette mollesse invincible annonce de graves désordres intérieurs. Autrement, où avez-vous vu qu’il existât des paresseux ? Prenons les oisifs de race, d’habitude et de goût. Est-ce qu’une femme mondaine qui danse toute la nuit ne se brûle pas les yeux davantage, ne fait pas une dépense de force musculaire bien plus grande, qu’une ouvrière clouée devant sa petite table, brodant jusqu’au jour ? Est-ce que ces hommes de plaisir sans cesse en représentation, en fêtes épuisantes, n’acceptent