Page:Zola - Travail.djvu/203

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tandis qu’on voyait au loin, entre les arbres briller les toitures et les fenêtres de Beauclair.

« Quelle misère inutile que toutes ces disputes ! reprit Jordan, pendant que Luc, demeuré debout, allait et venait doucement par la pièce. Après le déjeuner, j’écoutais l’abbé et l’instituteur étonné qu’on pût perdre son temps à vouloir se convaincre, lorsqu’on est ainsi placé aux deux bouts des questions, et qu’on ne parle pas la même langue. Et remarquez qu’ils ne viennent pas une seule fois ici sans recommencer identiquement les mêmes discussions, pour en rester toujours au même point… Puis, quelle mauvaise besogne, de s’enfermer de la sorte dans l’absolu, en dehors de l’expérience, et de se combattre à coups d’arguments contradictoires ! Et combien je suis avec le docteur qui s’amuse à les réduire à néant tous les deux, rien qu’en les opposant l’un à l’autre ! C’est comme ce Lange, peut-on voir un brave garçon rêver de plus grosses bêtises, se perdre dans une erreur plus manifeste et plus dangereuse, parce qu’il s’agite au hasard, avec le mépris de la certitude !… Non, décidément, la passion politique n’est point mon affaire, les choses que disent ces gens me paraissent vides de sens raisonnable, les plus grosses questions, auxquelles ils s’attardent, ne sont à mes yeux que des devinettes pour amuser la route, et je n’arrive pas à comprendre qu’on livre de telles batailles vaines autour de ces menus incidents, lorsque la découverte de la moindre des vérités scientifiques fait plus pour le progrès que cinquante années de luttes sociales. »

Luc se mit à rire.

« Voilà que vous tombez vous-même dans l’absolu… L’homme doit lutter, la politique est simplement la nécessité où il est de défendre ses besoins, d’assurer son plus de bonheur possible.

— Vous avez raison, confessa Jordan, avec sa bonne foi