Page:Zola - Travail.djvu/227

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souriant à Bonnaire, à Ragu et à Bourron, sans même apercevoir Fauchard. Il se plaisait dans cette halle des laminoirs, la fabrication des charpentes et des rails l’égayait d’ordinaire, c’était la bonne forge de la paix, comme il le disait gaiement, et il l’opposait à la forge mauvaise de la guerre, la forge voisine, où, si chèrement, avec tant de soins, on fabriquait des canons et des obus. Des outils si perfectionnés, un métal travaillé d’une main si fine, pour ne produire que ces monstrueux engins de destruction, qui coûtent aux nations des milliards, et qui les ruinent à attendre la guerre quand la guerre ne vient pas les exterminer  ! Ah  ! que les charpentes d’acier se multiplient donc, dressent donc des édifices utiles des villes heureuses, des ponts pour franchir les fleuves et les vallées et que des rails jaillissent toujours des laminoirs, allongent sans fin les voies ferrées, abolissent les frontières, rapprochent les peuples, conquièrent le monde entier à la civilisation fraternelle de demain  !

Mais, comme Luc passait dans la halle de la grande fonderie où l’on entendait le gros marteau-pilon entrer en danse, forgeant toute l’armature d’un pont gigantesque, les laminoirs s’arrêtèrent il y eut un répit pour la mise en marche d’un nouveau profil. Et Fauchard s’approcha des anciens camarades, une conversation s’engagea.

«  Alors, ça marche ici, vous êtes contents  ? demanda-t-il.

— Contents, sans doute, répondit Bonnaire. Le journée n’est que de huit heures, et, grâce au changement de besogne, on s’éreinte moins, le travail est plus agréable.  »

Lui, grand et fort, avec sa large face de bonhomie et de santé, était un des solides soutiens de l’usine nouvelle. Il faisait partit du conseil de direction, il gardait aussi à Luc une gratitude de l’avoir embauché, lorsqu’il avait dû quitter l’Abîme, inquiet du lendemain. Pourtant, son