Page:Zola - Travail.djvu/262

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Ce fut une stupeur, une réprobation, voilà que M. Luc débauchait, empoisonnait les paysans  ! Lenfant, le maire des Combettes, aidé de son adjoint Yvonnot, après avoir rapproché, réconcilié les quatre cents habitants de la commune, venait de les décider à mettre leurs terres en commun, par un acte d’association copié sur celui qui régissait le capital, le travail et le talent, à l’usine nouvelle. Il n’y aurait plus qu’un vaste domaine, permettant l’usage des machines, des grandes fumures, des cultures intensives, décuplant les récoltes, donnant l’espoir d’un large partage des bénéfices. Et les deux associations allaient se consolider l’une par l’autre, les paysans fourniraient le pain aux ouvriers, qui leur fourniraient les outils, les objets manufacturés nécessaires à leur existence, de sorte qu’il y aurait rapprochement des deux classes ennemies, fusion peu à peu intime, tout un embryon de peuple fraternel. C’était la fin du vieux monde, si le socialisme gagnait à lui les paysans, les innombrables travailleurs des campagnes, considérés jusque-là comme les remparts de la propriété égoïste, se tuant de besogne ingrate sur leur motte terre, plutôt que de l’aliéner. L’ébranlement en fut senti dans tout Beauclair, un frisson passa, qui annonçait la catastrophe prochaine.

Et, de nouveau, les Laboque se trouvèrent les premiers frappés.

Ils perdaient la clientèle des Combettes, ils ne virent plus ni Lenfant, ni les autres, venir leur acheter des bêches, des charrues, des outils et des ustensiles. Dans une dernière visite que Lenfant leur fit, il marchanda, n’acheta rien, leur déclara tout net qu’il gagnerait trente pour cent à ne plus se fournir chez eux, puisqu’ils étaient forcés de prélever un tel gain sur les objets qu’ils se procuraient eux-mêmes dans les usines voisines. Désormais, tous ceux des Combettes s’adressèrent directement à la Crêcherie, en adhérant aux magasins coopératifs,