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sur elle, supplia les personnes présentes, avec des clignements d’yeux, de ne plus aborder ces atroces sujets, qui compromettaient la santé si chancelante de sa femme. Et ce fut charmant, on se hâta de vivre encore la vie heureuse, la vie de richesse et de jouissance, dont on cueillait toutes les fleurs.

Enfin, le jour du fameux procès arriva, au milieu des colères et des haines grandissantes. Jamais Beauclair n’avait été bouleversé par des passions si furieuses. Luc, d’abord, s’était étonné et n’avait fait que rire. L’assignation de Laboque l’avait amusé simplement, d’autant plus que la demande en vingt-cinq mille francs de dommages-intérêts lui paraissait insoutenable. Si le Clouque avait tari, il serait fort difficile de prouver que la cause en était dans le fait des sources captées et utilisées à la Crêcherie. Ces sources d’ailleurs appartenaient au domaine, elles étaient aux Jordan, franches, libres de toutes servitudes  ; et le propriétaire avait le droit absolu d’en disposer à son gré. D’autre part, il aurait fallu que Laboque appuyât sur des preuves le prétendu tort qui lui était cause, ce qu’il tentait à peine de faire, et si maladroitement, qu’aucun tribunal au monde ne pouvait lui donner raison. Comme le disait plaisamment Luc, c’était lui qui aurait dû réclamer une cotisation publique pour le récompenser d’avoir délivré les riverains de l’empoisonnement dont ils s’étaient plaints si longtemps. La ville n’avait qu’à combler le trou et à vendre les terrains pour bâtir, bonne aubaine qui ferait tomber quelques centaines de mille francs dans sa caisse. Il riait donc, il ne s’imaginait pas qu’une telle poursuite pût être sérieuse. Et ce fut plus tard, devant l’acharnement des rancunes, en face des hostilités montant de partout contre lui, qu’il se rendit compte de la gravité de la situation et du péril mortel où allait se trouver son œuvre.