Page:Zola - Travail.djvu/299

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— Non, non, monsieur Luc, moi, je ne compte pas, c’est vous qui ne devez pas souffrir, parce que vous êtes notre bon Dieu à tous.  »

Alors, comme elle se laissait tomber dans ses bras, il la prit lui-même d’une étreinte passionnée. C’était la nécessité inéluctable, deux flammes qui se rejoignaient, qui se confondaient, pour n’être plus qu’un foyer unique de bonté et de force. Et la destinée s’accomplit, ils se donnèrent l’un à l’autre, en un même besoin de faire de la vie et du bonheur. Tout les avait menés à cela, ils avaient la brusque vision de l’amour né un soir, puis lentement grandi, amassé au fond de leur cœur. Et il n’y avait plus que deux êtres se rencontrant dans le baiser si longtemps attendu, arrivant à leur oraison. Aucun remords n’était possible, ils s’aimaient comme ils existaient, afin d’être sains, d’être forts et d’être féconds.

Ensuite, dans cette chambre si calme, si douce, lorsque Luc, longuement, garda Josine en ses bras, il sentit bien qu’un grand secours lui était venu. Seul, l’amour ferait l’harmonie de la Cité. C’était sa communion intime avec le peuple des déshérités, cette Josine délicieuse, qu’il avait faite définitivement sienne. L’union était scellée, l’apôtre en lui ne pouvait rester infécond, il avait besoin d’une femme pour racheter l’humanité. Et quel réconfort elle lui apportait, la petite ouvrière salie et battue, qu’il avait rencontrée mourant de faim, qui était à cette heure, sur sa poitrine, une reine de charme et de volupté  ! Elle avait la pire déchéance, elle l’aiderait à créer un monde nouveau de splendeur et de joie. C’était d’elle, d’elle seule qu’il avait besoin, pour achever sa mission, car le jour où il aurait sauvé la femme, le monde serait sauvé.

Doucement, il lui dit  :

«  Donne-moi ta main, Josine, ta pauvre main blessée.  »