Page:Zola - Travail.djvu/357

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le faire disparaître, imaginant des catastrophes où elle l’anéantissait.

Il y avait bientôt huit mois que Josine, en une dernière nuit de tendresse, était venue faire à Luc ses adieux, remettant à plus tard le bonheur que la vie leur devait, lorsque tout un drame éclata, qui devait fournir à Fernande la catastrophe rêvée attendue. Josine était sortie fécondée des bras de Luc, en cette nuit si triste et si délicieuse. Jusqu’au cinquième mois de sa grossesse, Ragu lui-même ne s’aperçut de rien, et ce fut seulement un soir d’ivresse, qu’ayant voulu la battre, il comprit tout, au geste terrifié qu’elle fit pour protéger son ventre. Une stupeur d’abord, l’immobilisa.

«  Tu es grosse, tu es grosse, saleté  ! … Ah  ! c’est donc ça que tu avais toutes sortes de cachotteries et que tu ne changeais même plus de chemise devant moi… Il faut que je sois aussi bête que tu es menteuse pour n’avoir rien vu  !   »

Mais la certitude lui vint, le traversa comme l’éclair, que cet enfant ne pouvait être de lui. Ainsi qu’il le disait, il ne la touchait jamais que pour le plaisir, très sûr des précautions radicales qu’il prenait. Pas d’enfant, pas de fil à la patte. On s’amusait ensemble et bonjour, bonsoir, on n’encombrait pas sa vie. Alors, d’où venait-il donc, cet enfant  ? Qui l’avait fait  ? Et il serra de nouveau les poings, grondant d’une colère croissante.

«  Eh  ! saleté il ne s’est pas fait tout seul  ? … Tu n’auras pas l’audace de prétendre que c’est moi qui l’ai fait, car tu sais bien que je n’ai jamais voulu en faire… De qui est-il  ? Réponds, réponds, réponds vite, saleté ou je t’écrase  !   »

Josine, toute blanche, ses yeux doux et braves fixés sur l’ivrogne ne répondait pas. Et il y avait de l’étonnement, dans sa crainte, à le voir s’emporter ainsi, car il ne paraissait plus tenir à elle, il la menaçait chaque jour de la