Page:Zola - Travail.djvu/363

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« Je te reviendrai, le jour où tu auras besoin de moi, quand je ne serai plus un embarras, mais une aide, avec ce cher enfant qui sera pour nous deux une force nouvelle.  »

Et le noir Beauclair, le vieux bourg empesté du travail maudit, agonisait dans les ténèbres, autour d’eux, sous l’écrasement des siècles d’iniquité, pendant qu’ils échangeaient cet espoir en l’avenir de paix et de bonheur.

«  Tu es mon mari, il n’y aura eu que toi dans mon existence, et si tu savais combien cela m’est délicieux de ne pas dire ton nom, même sous les menaces, de le garder comme une fleur secrète et comme une armure  ! Ah  ! ne me plains pas trop, je suis bien forte et je suis bien heureuse  !

— Tu es ma femme, je t’ai aimée, le premier soir ou je t’ai rencontrée, si misérable, si divine, et si tu tais mon nom, je tairai le tien, j’en ferai mon culte et ma force, jusqu’à l’heure où toi-même tu crieras notre amour.

— Oh  ! Luc, que tu es sage, que tu es bon, et quelle félicité nous attends  !

— C’est toi, Josine, qui m’as fait bon et sage, et c’est parce que je t’ai secourue un soir, que nous serons si heureux plus tard dans le bonheur de tous.  »

Sans parler davantage, ils restèrent un instant encore unis en une puissante étreinte. Lui, la sentait frémir toute, avec son ventre sacre de femme féconde, dont les tressaillements lui promettaient la vie future qu’il avait ensemencée en elle  ; et elle, pour se donner plus encore, écrasait sa gorge amoureuse contre sa poitrine d’homme, comme en un besoin d’entrer et de disparaître en lui. Puis, elle se détacha, elle retourna glorieuse et invincible à son martyre, tandis que lui-même se perdait dans les ténèbres, raffermi, allant reprendre sa bataille et sa victoire.