Page:Zola - Travail.djvu/369

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et ce qui la poussait était moins sa raison que sa sensation de femme séductrice et mangeuse d’hommes, comptant sur la complicité des êtres et des choses, sur des circonstances qu’elle n’aurait pu dire, mais qui certainement se produiraient.

Quelle attente, de cinq heures à sept heures, dans le désir du jour, si lent à se lever  ! Elle ne put se rendormir, elle se retournait dans son lit brûlant, avec la hâte de courir à ce rendez-vous qu’elle se donnait  ; et jamais rendez-vous d’amour, espoir d’une volupté nouvelle, inconnue, délirante, ne l’avait ainsi exaspérée de mille aiguillons de feu. Elle ne trouvait plus de places fraîches pour ses membres, elle barrait tout le grand lit de ses nœuds souples de couleuvre mince, sa chemise remontée en sa continuelle agitation, son épaisse chevelure défaite, noyant sa face ardente. Mais elle ne faiblissait pas dans sa résolution, elle ne voulait même plus réfléchir, prévoir comment les choses se passeraient, les organiser à l’avance, afin d’assurer la réussite de son plan. Tout marcherait très bien, elle en était convaincue. Il lui semblait que le destin l’emportait à des événements nécessaires, dont elle était l’ouvrière désignée, qui ne pouvaient se refuser à son action. Et elle ne souffrait que d’attendre si longtemps, ne sachant plus à quoi tuer les minutes, finissant par se caresser elle-même, pour apaiser un peu le feu dont sa peau brûlait. Ses petites mains longues et douces remontaient lentement sur les cuisses, s’arrêtant au ventre, redescendaient, se glissaient partout, en une flatterie légère, à peine appuyée, puis remontaient encore, filais le long des flancs, jusqu’à la gorge dure, où elles s’irritaient tout d’un coup, empoignant les deux seins, les écrasant, dans l’exaspération aiguë de ne pouvoir se calmer.

Enfin, à sept heures moins un quart, à l’heure exacte qu’elle s’était fixée elle sauta du lit. Le froid de la chambre