Page:Zola - Travail.djvu/376

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la hâte. Son veston était tombé sous elle, il la poussa du pied, telle qu’une chose gênante. Et, deux fois encore, il la poussa du pied, cherchant de l’air d’un homme qui a perdu quelque chose  ; et, à chaque coup de pied, il grognait  :

«  Salope  ! salope  ! salope  !   »

Puis, à peine habillé, il trouva enfin. C’était son couteau qui avait glissé de sa poche, et qui était sous une des jambes écartées de la femme. Quand il le tint, il s’en alla en courant, en poussant un dernier grognement  :

«  À l’autre maintenant  ! Je vas lui régler son affaire  !   »

Fernande, parmi les vieilles hardes, était restée pâmée, inerte, anéantie par la violence de la sensation, les deux bras convulsés et rabattus sur la face. Lorsqu’elle fut seule, au bout d’un instant, elle se ramassa avec peine, renoua ses cheveux, s’enveloppa le mieux possible dans les lambeaux de son peignoir. Et elle eut l’extraordinaire chance de s’en aller comme elle était venue, sans rencontrer personne, en se coulant le long des bâtiments, en filant par les salles désertes. Enfin, dans sa chambre, elle se sentit sauvée. Mais que faire des vêtements déchirés, souillés, immondes, qu’elle rapportait  ? Les pantoufles de velours blanc étaient noires de boue, le peignoir de laine blanche avait des taches d’huile et de charbon, la chemise fendue, arrachée, portait des traces ignobles. Elle se décida, fit un paquet de ces linges qu’elle ne pouvait laisser voir, le cacha sous un meuble, en se promettant de le brûler, comme un assassin qui rentre avec ses vêtements couverts de sang. Puis, après avoir passé une chemise fraîche, elle se recoucha, voulut s’anéantir dans son lit, incapable de rester debout, désireuse de sommeil, pour échapper à la minute inouïe qu’elle venait de vivre. Mais elle avait eu beau changer de chemise, l’odeur fauve de l’homme lui était demeurée dans la peau, ses cheveux