Page:Zola - Travail.djvu/384

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Des complications se produisirent, Luc faillit être emporté. Pendant deux jours, on le crut mort. Josine et Sœurette ne quittaient pas son chevet, Jordan était venu s’asseoir près du lit douloureux, délaissant son laboratoire, ce qu’il n’avait pas fait depuis la maladie de sa mère. Et quel désespoir parmi ces cœurs tendres, qui, d’heure en heure, s’attendaient à recevoir le dernier soupir de l’être aimé  !

Le coup de couteau dont Ragu venait de frapper Luc, avait bouleversé la Crêcherie. Dans les ateliers en deuil, le travail continuait  ; mais, à chaque instant, on voulait des nouvelles, tous les ouvriers s’étaient sentis solidaires, éprouvant pour la victime la même affection inquiète. Ce meurtre imbécile, le sang qui avait coulé, resserrait le lien fraternel, plus que des années d’expérience humanitaire. Et, jusque dans Beauclair, la sympathie s’était fait sentir, beaucoup de gens revenaient à ce garçon si jeune encore, si beau, si actif, dont le seul crime, en dehors de son œuvre de justice, était d’avoir aimé une adorable femme que son mari accablait d’outrages et de coups. En somme, personne ne se scandalisait de voir Josine, dont la grossesse était très avancée, s’installer auprès de Luc agonisant. On trouvait cela très naturel  : n’était-il pas le père de l’enfant  ? n’avaient-ils pas acheté tous les deux, au prix de leurs larmes le droit de vivre