Page:Zola - Travail.djvu/435

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encore, lorsqu’on vit paraître Boisgelin, qu’il fallut aider à descendre de voiture tant il était défaillant et blême. Il eut une syncope, le docteur Novarre dut le soigner, devant ce champ de ruines, où fumaient les débris de sa fortune, et dans lequel les ossements de Delaveau et de Fernande achevaient de tomber en cendres.

Luc, cependant, dirigeait les dernières manœuvres de ses hommes, pour éteindre la halle du marteau-pilon qui brûlait toujours. Jordan, enveloppé dans une couverture, s’obstinait à rester, malgré le grand froid. Bonnaire, arrivé un des premiers s’était signalé par son courage à sauver ce qu’il avait pu des machines et des outils, en faisant la part du feu. Bourron, Fauchard, tous les anciens ouvriers de l’Abîme passés à la Crêcherie l’aidaient, se dévouaient, sur ce terrain si bien connu d’eux, où ils avaient peiné pendant tant d’années. Mais c’était comme un destin furieux qui grondait en ouragan, tout se trouvait emporté balayé, anéanti, malgré leurs efforts. Le feu vengeur, le feu purificateur venait de tomber là en coup de foudre, et il rasait le champ entier, et il le déblayait des décombres, dont la chute du vieux monde l’avait obstrué. Maintenant, la besogne était faite l’horizon était libre, à l’infini, et la Cité naissante de justice et de paix pouvait pousser le flot vainqueur de ses maisons jusqu’au bout des vastes plaines.

Dans un groupe, on entendit Lange, le potier, l’anarchiste, qui disait de sa voix rude et gaie  :

«  Non, non  ! je n’ai pas à m’en faire l’honneur, ce n’est pas moi qui l’ai allumé  ; mais n’importe, c’est de la belle besogne, et c’est drôle que les patrons nous aident, en se rôtissant eux-mêmes.  »

Il parlait du feu. Et le frisson de tous était si profond, que personne ne le fit taire. La foule allait aux forces victorieuses, les autorités de Beauclair félicitaient Luc de