Page:Zola - Travail.djvu/520

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de ces meules odorantes qui entassaient le blé de tout un peuple, ils allaient doucement, promenant leur décrépitude, sans comprendre, sans répondre aux saluts.

«  Laissez-les donc au soleil, ça leur fait du bien, reprit Mme Mitaine. Et votre fils, il est solide et joyeux  ?

— Oh  ! sûrement, Louis se porte à merveille, répondit Mme Fauchard. Dans ce temps-ci, les fils ne ressemblent guère aux pères. Voyez comme il danse  ! Jamais il ne connaîtra le froid et la faim.  »

Alors, la boulangère, avec sa bonne âme d’ancienne belle femme entreprit de rendre heureux le couple qui riait si tendrement, en dansant devant elle. Elle rapprocha les deux mères, elle fit asseoir cote à côte Mme Fauchard et Mme Dacheux, puis elle attendrit tellement celle-ci, qu’elle finit par l’ébranler, par la convaincre. Elle souffrait seulement de sa solitude, il lui fallait des petits-enfants qui grimperaient sur ses genoux et qui mettraient en fuite les fantômes. Et la petite vieille s’écria enfin  :

«  Ah  ! mon Dieu  ! je veux bien tout de même, à la condition qu’on ne me laissera pas seule. Moi, je n’ai jamais dit non à personne, c’est lui qui ne voulait pas. Mais, si vous vous y mettez tous, et si vous promettez de me défendre, faites, faites  !   »

Lorsque Louis et Julienne surent que leurs mères consentaient ils accoururent, se jetèrent dans leurs bras, avec des larmes et des rires. Et ce fut, parmi tant d’allégresse, une allégresse nouvelle.

«  Voyons, répétait Mme Mitaine, comment voulez-vous séparer ces jeunes gens, qui semblent tous avoir grandi les uns pour les autres  ? Je viens de donner mon Évariste à Olympe Lenfant, et je me rappelle encore celle-ci venant toute petite dans ma boulangerie, où mon gamin lui offrait des gâteaux. C’est comme ce Louis Fauchard,