Page:Zola - Travail.djvu/546

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libre et entière, à se fondre complètement à n’être plus qu’un esprit, qu’un être au foyer familial. L’expérience était faite, on ne constatait pas un cas de l’excitation sensuelle tant redoutée, le niveau moral au contraire se relevait, et c’était merveille de voir ces garçons, ces filles, aller d’eux-mêmes aux études qui devaient leur être les plus utiles, grâce à la grande liberté laissée à chaque écolier de travailler selon son goût, pour les besoins de son avenir. Suzanne dit en plaisantant  :

«  Les fiançailles se font dès le berceau, et ça supprime le divorce, car on se connaît trop pour se prendre à la légère… Allons, mon bon Luc, voici la récréation, et je veux que vous entendiez chanter mes élèves.  »

Sœurette resta parmi son petit peuple, l’heure du bain étant venue, tandis que Josine devait se rendre à son atelier de couture, où des fillettes préféraient passer la récréation, ravies d’apprendre à faire des robes pour leurs poupées. Et Luc seul suivit Suzanne, long de la galerie couverte, sur laquelle ouvraient les cinq classes.

Ces classes étaient devenues tout un monde. Il avait fallu les subdiviser, créer des locaux plus vastes, élargir aussi les dépendances, les gymnases, les ateliers d’apprentissage, les jardins, où les enfants, toutes les deux heures, étaient lâchés en liberté. Après quelques tâtonnements, la méthode d’instruction et d’éducation se trouvait fixée désormais, et ce libre enseignement qui rendait l’étude attrayante, en laissant à l’élève sa personnalité, en lui demandant le seul effort dont il était capable pour les leçons préférées, choisies sans contrainte, donnait d’admirables résultats augmentait chaque année la Cité d’une génération nouvelle capable de plus de vérité et de plus de justice. C’était la bonne, l’unique façon de hâter l’avenir, de faire pousser les hommes chargés de réaliser demain, délivrés des dogmes menteurs, grandis dans