Page:Zola - Travail.djvu/563

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— Alors, dit encore Claudine, tu comprends, mon petit Maurice le grand Morfain, ton bisaïeul, avait joliment de la besogne à ne pas quitter ce feu de sept ou huit ans, sans compter que, toutes les cinq heures, il fallait, à coups de ringard, déboucher le trou de coulée, pour vider le creuset du métal fondu, un vrai ruisseau de flammes, dont la chaleur vous rôtissait comme un canard à la broche.  »

Du coup, les trois enfants, stupéfaits jusque-là, partirent d’un éclat de rire. Oh  ! le canard à la broche, le grand Morfain qui rôtissait comme un canard  !

«  Ah  ! bien  ! dit Ludovic Boisgelin, ce n’était pas drôle de travailler dans ce temps-là. Ça devait donner trop de peine.

— Sans doute, dit sa sœur Aline, j’aime mieux être née plus tard, c’est si amusant de travailler aujourd’hui.  »

Mais Maurice était redevenu sérieux, l’air réfléchi, ruminant dans sa petite tête les choses incroyables qu’on lui racontait. Et il finit par conclure  :

«  Ça ne fait rien, il devait être rudement fort, le père de grand-père, et si ça va mieux aujourd’hui, c’est peut-être parce qu’il s’est donné tant de peine autrefois.  »

Luc, qui s’était contenté d’écouter en souriant, fut ravi de cette bonne réflexion. Il prit Maurice, le souleva, le baisa sur les deux joues.

«  Tu as raison, gamin  ! C’est comme si tu travailles de tout ton cœur maintenant, tes arrière-petits-enfants seront bien plus heureux encore… Et tu vois, déjà, on ne se rôtit plus comme des canards.  »

Sur son ordre, on avait remis en marche la batterie des fours électriques. Claudine et Céline, d’un simple geste, donnaient ou interrompaient le courant. Les fours se chargeaient, la fusion s’opérait, et, toutes les cinq minutes, le trottoir roulant recevait les dix gueuses embrasées,