Page:Zola - Travail.djvu/581

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vais vous conduire, vous trouverez ici aide et secours.  »

Enfin, le vieil homme, si misérable, si ravagé, se décida, bégayant tout bas, se parlant à lui-même  :

«  Beauclair, Beauclair, est-ce bien Beauclair  ?

— Sans doute Beauclair, vous êtes à Beauclair, c’est certain  », déclara l’ancien maître puddleur qui souriait.

Mais, en voyant le pauvre donner des marques croissantes d’une surprise inquiète, pleine de doute, il finit par comprendre.

«  Vous avez connu Beauclair autrefois, il y a longtemps peut-être que vous n’y êtes venu  ?

— Oui, plus de cinquante ans  », répondit l’inconnu de sa voix sourde.

Bonnaire alors éclata d’un bon rire.

«  Ah  ! ça ne m’étonne pas, si vous avez de la peine à vous retrouver. Il y a eu quelques changements… Ainsi, tenez  ! à cette place, l’usine de l’Abîme a disparu, tandis que, là-bas, plus loin tout le vieux Beauclair, l’amas sordide, a été rasé, et, vous voyez c’est une Cité nouvelle qui s’est bâtie, c’est le parc de la Crêcherie qui s’est continué, envahissant l’ancienne ville de ses verdures un jardin immense où les petites maisons blanches s’égaillent parmi les arbres… Naturellement, il faut réfléchir, avant de s’y reconnaître.  »

Le pauvre avait suivi les explications, tournant les yeux vers les points que le vieillard, d’une gaieté si douce, lui désignait de la main. Mais il hocha de nouveau la tête, il ne pouvait croire à la réalité de ce qu’on lui disait.

«  Non, non, je ne vois pas, ce n’est plus Beauclair… Voilà bien les deux promontoires des monts Bleuses, entre lesquels s’élargit la gorge de Brias, et voilà bien, au loin, la plaine de la Roumagne. C’est tout ce qui reste, ces jardins et ces maisons sont d’un autre pays, d’un pays de richesse et d’enchantement, que je n’ai jamais vu… Allons, il faut