Page:Zola - Travail.djvu/590

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Le vieux maître puddleur préféra le voir ainsi. Il se mit paisiblement à sourire.

«  Non, non, ce n’est aujourd’hui que le gai réveil des jours de fête. Les autres jours, on peut faire la grasse matinée, dans un délicieux silence. Mais, quand la vie est bonne, on se lève toujours de grand matin, et les infirmes seuls ont le regret de rester au lit.  »

Puis, avec sa bonté prévenante  :

«  As-tu bien dormi  ? As-tu trouvé tout ce dont tu avais besoin  ?   »

Ragu tâcha encore d’être désagréable.

«  Oh  ! je dors bien partout, voici des années que je couche dans les meules, et ça vaut les meilleurs lits du monde… C’est comme toutes ces inventions, ces baignoires, ces robinets d’eau froide et d’eau chaude, ces chauffages électriques fonctionnant à l’aide d’un simple bouton, ça rend certainement des services, quand on est pressé. Autrement, il est encore préférable de se laver à la rivière et de se chauffer avec un bon vieux poêle.  » Et il conclut, en voyant son hôte ne pas répondre.

«  Vous avez trop d’eau dans vos maisons, elles doivent être humides.  »

Ah  ! quel blasphème  ! ces eaux ruisselantes, ces eaux bienfaisantes, si pures, si fraîches, qui étaient maintenant la santé, la joie et la force de Beauclair, dont elles baignaient les rues et les jardins d’une éternelle jeunesse  !

«  Nos eaux sont nos amies, les bonnes fées de notre heureux destin, dit simplement Bonnaire. Tu les verras partout jaillir et féconder la Cité… Allons, viens déjeuner d’abord, puis nous sortirons tout de suite.  »

Ce premier déjeuner fut délicieux, dans la claire salle à manger, envahie par le soleil levant. Sur la nappe très blanche, il y avait du lait, des œufs, des fruits, avec du beau pain si doré, si parfumé, qu’on le sentait pétri et