Page:Zola - Travail.djvu/597

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idée, avant de parcourir Beauclair, était d’aller jusqu’aux Combettes, de montrer d’abord à son compagnon le magnifique domaine qui changeait la Roumagne en un paradis de fertilité et de délices. Cette matinée de fête ensoleillait tout, les routes étaient d’une gaieté sonnante, sous le beau soleil triomphal. D’autres voiturettes, en nombre infini, les parcouraient, toutes pleines de chants et de rires. Beaucoup de piétons aussi arrivaient des villages voisins, la plupart en bandes, des garçons et des filles enrubannés, qui saluaient joyeusement au passage le vieillard, l’ancêtre. Et quelles cultures admirables se déroulaient aux deux bords des routes, de vastes champs de blé dont on ne voyait pas le bout, des mers de blé d’un vert profond et puissant  !

Au lieu des anciens lopins de terre, découpés avaricieusement en parts étroites, d’une maigreur étique de sol mal nourri et mal cultivé, la plaine entière n’était plus qu’un seul et immense champ fumé, labouré, ensemencé par des mains associées et riches, et où la solidarité des hommes, réconciliés enfin, avait déterminé une fécondité formidable, des récoltes géantes pour un peuple équitable et fraternel. Quand la terre n’était pas bonne, on refaisait la terre, on lui donnait, chimiquement, les qualités dont elle manquait. On la chauffait, on l’abritait, des cultures intensives donnaient deux récoltes, des légumes et des fruits en toutes saisons. Grâce aux machines, les bras des hommes étaient épargnés, des lieues de labours se couvraient de moissons comme par prodige. Même on parlait de devenir les maîtres des nuages, de les diriger à volonté, grâce à de larges courants électriques, de sorte que, dès lors, on obtiendrait des jours de pluie ou des jours de soleil, selon les besoins de l’agriculture. L’homme, après avoir conquis la terre, allait conquérir le ciel, il ferait des astres sa dépendance. Les matins de grande fête, il nettoierait le ciel bleu, d’un bleu plus vaste et plus