Page:Zola - Travail.djvu/600

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un de ces palais d’autrefois, dont le peuple avait hérité légitimement, où il se trouvait enfin chez lui, en sa naturelle souveraineté. Les pelouses s’égayaient de corbeilles odorantes, les allées profondes s’enfonçaient sous les hautes voûtes de feuillages, délicieuses d’ambre et de silence. Et, par ces majestueuses avenues, le long desquelles jadis les chasses galopaient, des mères paisibles, en robes claires, poussaient de petites voitures, où riaient des nouveau-nés.

«  Qu’est-ce que ça me fiche, dit encore Ragu, un luxe et une jouissance dont tout le monde profite  ? Ce n’est plus si bon, du moment qu’ils ne sont pas à moi seul.  »

Mais la voiturette filait toujours, et ils rentrèrent dans le nouveau Beauclair. L’aspect général de la ville reconstruite était bien celui d’un immense jardin, où les maisons s’étaient naturellement espacées, parmi les verdures, en un besoin de grand air et de vie libre. Au lieu de se serrer les unes contre les autres, comme aux époques de tyrannie et de terreur, les maisons semblaient s’être dispersées, pour plus de paix, plus de santé heureuse. Les terrains, remis en commun, ne coûtaient rien, s’étendaient d’un promontoire à l’autre des monts Bleuses. Pourquoi se serait-on entassé, lorsque la plaine se déroulait  ? Quelques milliers de mètres sont-ils donc de trop pour une famille, lorsque tant d’immenses contrées de la terre ne sont même pas habitées  ? Chacun avait donc choisi son lot puis s’était mis à bâtir à sa fantaisie. Aucun alignement, de larges avenues qui coupaient les jardins, pour la facilité des communications, et simplement des maisons dans les arbres, au gré de chaque ménage. Seulement, quelles que fussent leur orientation et leur disposition particulières, elles gardaient toutes un air de famille, un grand air de propreté et de joie. Surtout elles s’ornaient toutes de grès et de faïences aux couleurs vives, de tuiles émaillées de pignons, d’encadrements,