Page:Zola - Travail.djvu/624

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n’avait-elle pas réussi  ? N’était-il pas parvenu à frapper Ragu d’une sorte de terreur sacrée, devant la grandeur de l’œuvre accomplie  ? Il le sentait maintenant éperdu, saisi d’un frisson, les mains trop molles pour un nouveau crime. Alors, de son air de bonhomie sereine, il finit par répondre.

«  Tu veux les voir, mon brave, je vais te les montrer. Et, c’est bien vrai, tu verras des gens heureux.  »

La table de Luc se trouvait tout de suite après celle des Bourron. Il en occupait le centre, avec Josine à sa droite. Et il avait à sa gauche Sœurette et Jordan. Suzanne aussi était là, en face de Luc. Nanet et Nise, grand-père et grand-mère bientôt, avaient pris place près d’elle, les yeux rieurs sous leurs toisons blondes un peu pâlies, comme aux jours déjà lointains où ils n’étaient que des joujoux, de petits moutons frisés. Puis, c’était toute la descendance entourant la table. Hilaire, l’aîné des Froment, avait épousé Colette, la fille de Nanet et de Nise, et en avait eu Mariette, âgée de près de quinze ans, tandis que, de Paul Boisgelin et d’Antoinette Bonnaire, naissait Ludovic, qui aurait vingt ans bientôt, et il y avait promesse d’union entre Ludovic et Mariette, ils dînaient côte à côte, chuchotant, ayant leurs petits secrets dont ils s’égayaient d’un air tendre. Ensuite, venait Jules, le dernier des Froment, qui s’était marié avec Céline, la fille d’Arsène Lenfant et d’Elulalie Laboque, et le ménage avait un gamin de six ans Richard, d’une beauté d’archange, la passion de son grand-père Luc. Et toute la parenté prolongeait le couvert, c’était la table où fusionnaient le plus étroitement les sangs ennemis, les Froment, les Boisgelin, les Delaveau, mêlés aux sangs des Bonnaire, des Laboque et des Lenfant, le travail manuel, le commerce et la terre, toute la communion sociale, d’où était sortie la Cité nouvelle, le Beauclair de justice et de paix.