Page:Zola - Travail.djvu/634

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elle finissait par être comme le prolongement de sa vie.

Dans l’idée de Jordan, son œuvre devait être achevée seulement le jour où il aurait donné à la Cité nouvelle l’électricité bienfaisante sans la mesurer, à discrétion, comme l’eau dont le fleuve roule le flot inépuisable, comme l’air que chacun est libre de respirer à sa guise. Depuis près de soixante ans, il avait fait beaucoup pour arriver à cette solution, il avait résolu, par étapes successives, les problèmes qui l’y acheminaient. D’abord, il s’était ingénié à supprimer les frais de charrois, en brûlant le charbon au sortir du puits, sous les chaudières, et en amenant par des câbles, à chaque usine, la force électrique obtenue ainsi, sans trop de déperdition. Ensuite, il avait imaginé l’appareil si longtemps cherché, il avait pu transformer directement l’énergie calorifique contenue dans le charbon, en énergie électrique, sans passer par l’énergie mécanique. C’était la suppression de la chaudière, une amélioration considérable, une économie de plus de cinquante pour cent  ; et dès lors, dès que les dynamos s’étaient chargées directement, par la simple combustion du charbon, il avait pu faire fonctionner ses fours électriques, révolutionner la métallurgie, approvisionner déjà la ville abondamment d’électricité, pour tous les usages sociaux et domestiques. Mais elle coûtait encore trop cher, il la voulait pour rien, pareille au vent qui passe, à la disposition de tous. Puis, une terreur lui venait, l’épuisement possible, certain, des mines de charbon. Avant un siècle peut-être, le charbon venant à manquer, ne serait-ce pas la mort du monde actuel, l’arrêt de l’industrie, les moyens de locomotion supprimés, l’humanité immobilisée et refroidie, comme un grand corps dont le sang ne circule plus  ? Ce charbon dont il ne pouvait se passer, il en regardait brûler chaque tonne avec inquiétude, en se disant que