Page:Zola - Travail.djvu/653

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également heureux, de même instruction, de même éducation, sans nulle différence ni dans le costume, ni dans le logement, ni dans les mœurs. Et c’était le travail roi, le travail seul guide, seul maître et seul dieu, d’une noblesse souveraine, ayant racheté l’humanité qui se mourait de mensonge et d’injustice, la rendant enfin à la vigueur, à la joie de vivre, à l’amour et à la beauté.

Luc en riait d’aise, lorsqu’un souffle de la brise matinale lui apportait les rires et les chants, dont la gaieté sonore montait sans cesse de sa ville. Quel bon travail, facile et délicieux  ! À peine quelques heures par jour, et d’une besogne de surveillance, tellement les nouvelles machines, puissantes, ingénieuses, avaient fini par avoir des pieds et des mains, comme les anciens esclaves. Elles soulevaient des montagnes, elles prenaient les objets les plus délicats, les façonnaient avec un soin infini. Elles marchaient, elles obéissaient, pareilles à des êtres ignorant la souffrance, s’usant sans fatigue. Grâce à elles, l’homme achevait de conquérir la nature, d’en faire sa dépendance et son paradis. Et de quelle prodigieuse richesse elles le comblaient, une abondance toujours croissante des fleurs et des fruits de la terre, un luxe de plus en plus grand des objets manufacturés, chaque citoyen regorgeant de tous les biens, vivant en prince de ses quelques heures de travail, lui que la faim étranglait autrefois, après d’abominables corvées de dix heures  ! Et quel admirable essor ce travail si réduit, d’un effort si léger, avait donné aux études des savants, aux œuvres des artistes, en ouvrant le champ de l’intelligence à tous, en libérant tant d’heures des basses et grossières besognes  ! Dans les laboratoires, ouverts largement aux recherches, il ne se passait pas de semaine sans qu’on fît des découvertes merveilleuses. Une mentalité se créait de jour en jour supérieure, depuis que le peuple entier était instruit dans la vérité, par les méthodes expérimentales, et les grandes intelligences