Page:Zola - Travail.djvu/664

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montait en lui, un repos bien gagné, dont il attendait l’heure avec une sérénité joyeuse. Il vit venir la mort gaiement, il la savait nécessaire et douce, sans avoir le besoin de la promesse menteuse du ciel, pour l’accepter d’un cœur brave. Le ciel, désormais, était sur la terre, où le plus de vérité et de justice possible réalisait l’idéal, tout le bonheur humain. Chaque être restait immortel dans les générations nées de lui, le torrent d’amour s’augmentait de chaque amour, roulait à l’infini, assurant l’éternité à tous ceux qui avaient vécu, aimé enfanté. Et Luc savait qu’il pouvait mourir, mais qu’il renaîtrait continuellement dans les hommes sans nombre, dont il avait voulu l’existence meilleure et plus fortunée. C’était la seule certitude de survie, elle lui donnait une paix admirable, il avait tant aimé les autres et s’était tant dépensé au soulagement de leur misère, qu’il trouvait comme une récompense et une béatitude à s’endormir en eux, à profiter lui-même de son œuvre, au sein des générations de plus en plus heureuses.

Alors, Josine, Sœurette et Suzanne, dans leur inquiétude à le voir ainsi s’assoupir doucement, ne voulurent pourtant pas être tristes. Chaque matin, elles ouvrirent les fenêtres, pour que le bon soleil entrât librement, elles parèrent et embaumèrent la chambre de fleurs, de gros bouquets d’un éclat et d’un parfum d’enfance. Mais, surtout, sachant combien Luc aimait les enfants, elles l’entourèrent à chaque heure d’une bande joyeuse de gamins et de gamines, dont les têtes blondes ou brunes étaient comme d’autres bouquets, demain en fleur, la force et la beauté des années futures. Et, lorsque tout ce petit monde était là, jouant avec des rires autour de son fauteuil, Luc leur souriait tendrement, suivait leurs jeux d’un air amusé, ravi de s’en aller ainsi, au milieu d’une joie si pure et d’un si vivant espoir.

Or, le jour où la mort devait venir, très juste, très bonne,