Page:Zola - Vérité.djvu/169

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pratique pour personne ? Et Marc, après chacune des preuves que les circonstances lui apportaient, restait stupéfait, anéanti, de l’empoisonnement, de l’état de mensonge et d’erreur dans lequel croupissait la population, comme dans une mare immonde, toujours élargie. Successivement, le hasard lui fit rencontrer le paysan Bongard, l’ouvrier Doloir, l’employé Savin, et il sentit que les trois avaient eu grande envie de retirer leurs enfants de l’école laïque, pour les mettre chez les frères, et que, s’ils n’avaient point osé, c’était par une crainte obscure de se nuire, auprès des autorités. Bongard resta fermé, refusa de répondre sur l’affaire : ça ne le regardait pas, on ne savait même plus s’il fallait être avec les curés ou avec le gouvernement ; pourtant, il finit par raconter que les juifs donnaient la maladie aux bestiaux de la contrée, et il en était bien sûr, car ses deux mioches, Fernand et Angèle, avaient vu un homme qui jetait de la poudre blanche dans un puits. Doloir s’emporta, parla de l’armée que les sans-patrie voulaient détruire, un ancien de son régiment lui ayant expliqué comment, à propos de l’affaire Simon, un syndicat international s’était formé pour vendre la France à l’Allemagne ; puis, il jura d’aller gifler le nouvel instituteur, si ses petits Auguste et Charles, lui rapportaient des choses vilaines, sur cette école de malheur, où l’on pourrissait les enfants. Savin parut plus froid et plus amer, dans sa rancune de misérable en redingote, tout aussi délirant que les deux autres, hanté de l’idée fixe qu’il végétait parce qu’il avait refusé d’être franc-maçon, regrettant sourdement de ne s’être pas donné à l’Église, laissant entendre avec quel héroïsme de victime républicaine il repoussait les avances du confesseur de sa femme ; et, quant à l’affaire, personne ne l’ignorait, elle était une comédie, le sacrifice d’un seul coupable, pour cacher les turpitudes des écoles de France, tant les laïques que les congréganistes ; aussi