Page:Zola - Vérité.djvu/175

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— Sans doute, continua Salvan, Le Barazer n’a pas montré une grande bravoure dans l’affaire Simon. Il aurait pu agir. Mais il faut bien prendre les hommes tels qu’ils sont. Ce que je puis vous promettre, c’est que, dans la suite, si vous ne le trouvez pas à votre côté, il sera le soutien caché, le terrain inerte et sourd où vous pourrez vous appuyer sans crainte. Il finit toujours par avoir raison du préfet Hennebise, qui redoute tant les histoires ; et le bon Forbes, le recteur, se contente de régner sans gouverner. Tout le danger vient de ce jésuite de Mauraisin, votre inspecteur primaire, l’ami du père Crabot, que Le Barazer, son supérieur, croit devoir ménager par politique… Voyons, la lutte ne vous effraye pas !

Maintenant, Marc se taisait. Les yeux à terre, il semblait tombé à des réflexions inquiètes, envahi de doute et d’hésitation. Et Salvan, qui lisait en lui, au courant de son drame intime, vint lui prendre les deux mains, très ému.

— Je sais ce que je vous demande, mon ami… J’ai été le grand ami de Berthereau, le père de Geneviève, un esprit très libéré, une raison émancipée, mais un sentimental qui avait fini par accompagner sa femme à la messe. Plus tard, j’ai été le subrogé tuteur de sa fille, que vous avez épousée, et j’ai fréquenté en intime, presque en parent, cette petite maison de la place des Capucins, où Mme Duparque, la grand-mère, régnait en dévote despotique, pliant sous elle sa fille, la triste et résignée Mme Berthereau, et sa petite-fille, cette Geneviève délicieuse que vous adorez. Peut-être, au moment du mariage, aurais-je dû vous prévenir avec plus d’insistance, car c’est toujours un danger pour un homme comme vous d’entrer dans une famille pratiquante, de s’y unir à une jeune fille imprégnée ainsi dès l’enfance de la religion la plus idolâtre. Enfin, jusqu’ici, je n’ai