Page:Zola - Vérité.djvu/190

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la France à Dieu. Le petit peuple y restait encore indifférent, n’y trouvant pas l’attrait du miracle, la passion du jeu. Mais le péril n’en devenait pas moins grave, de cette idolâtrie du cœur de Jésus, du cœur réel, rouge et saignait, représenté comme à l’étal d’un boucher, arraché de la poitrine ouverte, dans une palpitation dernière. Il s’agissait de faire de cette image sanglante l’emblème même de la France moderne, de l’imprimer en traits de pourpre, de la broder en soie et en or sur le drapeau national, pour que la nation entière ne fût plus que la dépendance de l’Église agonisante, capable d’un si répugnant fétichisme. C’était toujours la même manœuvre, la mainmise sur le pays, la volonté de reconquérir la foule par les moyens les plus grossiers de la superstition et de la légende, l’espoir de la replonger dans l’ignorance et dans la servitude, trop lente à se libérer. Et là encore, pour le Sacré-Cœur comme pour Saint Antoine de Padoue, les jésuites agissaient, désorganisaient inconsciemment le vieux catholicisme de leur force mauvaise, au point que le nouveau culte absorbait peu à peu l’ancien, aboutissant à une seconde incarnation de Jésus, ravalant la religion à des pratiques charnelles de peuples sauvages.

Marc s’en alla. Il étouffait de nouveau, il sentait le besoin des rues désertes, de l’espace libre. Ce dimanche-là, Geneviève l’avait accompagné à Maillebois, désireuse de passer l’après-midi chez sa grand-mère et sa mère. Mme  Duparque, qui souffrait d’accès de goutte, se trouvait immobilisée, ce qui expliquait pourquoi elle n’avait pu se rendre à la chapelle des Capucin, pour fêter saint Antoine. Et, comme Marc n’allait plus chez les parentes de sa femme, il était convenu, entre cette dernière et lui, qu’il l’attendrait à la gare, au train de quatre heures. Il n’en était guère plus de trois, et, lentement,