Page:Zola - Vérité.djvu/20

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déchiré. Il croyait bien ne pas avoir remarqué cette déchirure, lorsque le jésuite avait dû le lui montrer. Mais, sans doute, elle était alors cachée sous les gros doigts qui tenaient l’étroite feuille. Sa mémoire se brouilla, il ne savait plus, il aurait dès lors été incapable d’affirmer le fait.

Cependant, Marc avait pris le modèle, qu’il étudiait, pensant tout haut.

— Oui, oui, les dents ont mordu… Oh ! l’indication ne sera pas bien utile, car ces modèles sont dans le commerce, on les trouve partout. L’écriture lithographiée en est impersonnelle… Ah ! mais il y a ici, en bas, une sorte de paraphe, des initiales qu’on ne lit pas bien !

Sans hâte, le père Philibin se rapprocha.

— Un paraphe, croyez-vous ? Cela m’a semblé une tache d’encre, à demi effacée par la salive et par le coup de dents qui a percé la feuille, à côté.

— Une tache d’encre, non ! Ce sont bien des initiales, mais elles sont illisibles en effet.

Puis, Marc s’aperçut de la déchirure.

— Un coin manque, là-haut. Sans doute un autre coup de dents… Avez-vous trouvé le morceau ?

Le père Philibin dit qu’il ne l’avait pas cherché. Et il déplia de nouveau le numéro du journal, le visita soigneusement, tandis que Mignot se baissait, regardait par terre. On ne découvrit rien. Cela fut d’ailleurs jugé sans aucune importance. Marc était tombé d’accord avec les religieux que l’assassin, pris de terreur, avait dû étrangler l’enfant, après avoir vainement essayé d’étouffer ses cris, en lui enfonçant dans la bouche le tampon de papier. Ce qui restait extraordinaire, c’était le modèle d’écriture mêlé à ce journal. Un numéro du Petit Beaumontais du jour, cela se comprenait, pouvait être dans n’importe quelle poche. Mais ce modèle, d’où venait-il, de quelle façon se trouvait-il là, froissé, comme pétri avec ce