Page:Zola - Vérité.djvu/215

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Je me sens plus solide, quand nous sommes ensemble… Enfin, tu as raison, je comprends combien il te serait pénible de m’accompagner ; et, d’autre part, il m’est difficile de rompre maintenant.

Et la vie se régla ainsi, Geneviève commença par n’aller qu’une fois par semaine chez ces dames, Mme Duparque et Mme Berthereau, dans la petite maison de la place des Capucins. Elle y menait Louise, y passait une heure, pendant une classe de Marc, qui se contentait de saluer ces dames, lorsqu’il les rencontrait.

Alors, pendant deux années, avec infiniment de patience et de bonhomie, Marc fit la conquête de ses élèves, dans le milieu hostile, au travers d’ennuis sans nombre. C’était son génie propre, il était l’instituteur-né, qui savait redevenir enfant pour se faire comprendre par les enfants. Il se montrait surtout très gai, il jouait volontiers avec eux, n’était plus qu’un camarade, un grand frère. Sa force était d’oublier sa science, de se mettre à la portée des jeunes cerveaux mal éveillés, de trouver les mots qui expliquaient tout, comme si lui-même, ignorant encore, eut partagé la joie d’apprendre. Dans les programmes si chargés, lecture, écriture, grammaire, orthographe, rédaction, calcul, histoire, géographie, éléments des sciences, chant, gymnastique, agriculture, travail manuel, morale, instruction civique, il s’efforçait de ne rien laisser en arrière, tant que les enfants n’avaient pas compris. Et tout son premier effort portait de la sorte sur la façon d’enseigner, de manière à ce que rien de l’enseignement ne fût perdu, une assimilation certaine et complète, s’imposant par elle-même, nourrissant les intelligences grandissantes, devenant la chair et l’esprit des hommes de demain.

Ah ! cet ensemencement, cette culture de la vérité, avec quelle passion il lui donnait ses soins ! Et quelle vérité encore, car toutes les erreurs ne se réclament-elles