Page:Zola - Vérité.djvu/233

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les tristes fillettes, pendant que le père serait à la caserne ?

Comme Marc quittait Jonville, accompagné jusqu’à la gare par Mlle Mazeline, ils passèrent justement devant l’église, où s’achevaient les vêpres. Palmyre, la terrible servante de l’abbé Cognasse, était là, sur le seuil, en sentinelle sévère qui notait les bons chrétiens. Jauffre sortit, et deux de ses élèves qui passaient, lui firent le salut militaire, le revers de la main à la casquette : il exigeait cette déférence, son patriotisme en était flatté. Puis, ce furent Mme Jauffre et Mme Martineau qui parurent, Martineau lui-même, avec un flot de paysans et de paysannes. Marc avait hâté le pas pour n’être pas reconnu et n’avoir pas à dire son chagrin tout haut. Ce qui le frappait, c’était la petite ville moins bien tenue, des signes déjà visibles d’abandon, de prospérité amoindrie. Et n’était-ce pas la loi, la misère intellectuelle n’engendre-t-elle pas la misère matérielle ? La saleté et la vermine se sont mises dans tous les pays où le catholicisme a triomphé, partout il a passé comme un souffle de mort, frappant de stérilité la terre, jetant les hommes à la paresse et à l’imbécillité morne, car il est la négation même de la vie, il tue les nations modernes, ainsi qu’un poison lent et sûr.

Le lendemain, à Maillebois, lorsque Marc se retrouva dans sa classe, parmi les enfants dont il s’efforçait d’éveiller les intelligences et les cœurs, il éprouva un soulagement. Sans doute, son œuvre se faisait d’une marche bien lente, mais il puisait dans les quelques résultats acquis la force de la continuer. Il n’est de victoire que dans la continuité du courage et de l’effort. Les familles ne l’aidaient malheureusement pas, il aurait avancé plus vite, si les enfants, rentrés chez eux, avaient trouvé au foyer comme la prolongation de ses leçons. Et le contraire arrivait parfois, c’était ainsi qu’il sentait chez les