Page:Zola - Vérité.djvu/263

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moins, aurait été dans son rôle, car elle pratique, je le sais.

— Elle a de la religion, comme toutes les honnêtes femmes doivent en avoir, répondit sèchement l’employé. J’aime mieux qu’elle aille à l’église que de prendre un amant.

Et il regardait Marc d’un air soupçonneux, toujours travaillé de sa jalousie maladive, voyant dans chaque homme un rival possible. Pourquoi donc l’instituteur regrettait-il de ne pas voir sa femme avec lui ? n’était-elle pas venue deux fois déjà le visiter, sous le prétexte de lui expliquer des absences d’Achille et de Philippe ? Il la forçait, depuis quelque temps, à se confesser une fois par semaine au père Théodose, le supérieur des capucins, dans l’idée que la honte de l’aveu l’arrêterait au bord de la faute. Et, si d’abord elle n’avait pratiqué que pour avoir la paix dans son ménage, sans foi aucune, elle se rendait désormais avec quelque empressement au tribunal de la pénitence, le père Théodose étant un homme superbe et délicieux, dont rêvaient toutes les jeunes dévotes.

Marc eut la malice d’ajouter :

— Justement, j’ai eu le plaisir, jeudi, de rencontrer Mme  Savin qui sortait de la chapelle, place des Capucins, et nous avons causé un instant. Et, comme elle n’a eu pour moi que des paroles de bonne grâce, c’est pourquoi j’ai exprimé le regret de ne pas la voir avec vous.

Le mari eut un geste de souffrance. Dans son continuel et injurieux soupçon, il en était à reporter lui-même les petits travaux de perles qu’il lui laissait faire en cachette, afin d’ajouter à ses maigres appointements les quelques sous indispensables. C’était la misère cachée, et c’était l’enfer des ménages d’employés nécessiteux, chargés d’enfants, l’homme aigri, despote insupportable, la femme douce