Page:Zola - Vérité.djvu/282

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voyaient leurs filles toutes placées chez les bonnes sœurs, sans compter l’argent qu’un établissement pareil devait faire affluer dans la commune.

Enfin, la cérémonie fut fixée au 10 juin, un dimanche, et jamais grande fête, comme le fit remarquer l’abbé Cognasse, ne se trouva favorisée d’un soleil plus éclatant. Depuis trois jours, sa servante, la terrible Palmyre, aidée de Mme  Jauffre et de la belle Mme  Martineau, ornait l’église de plantes vertes et de tentures prêtées par tous les habitants. Les dames de Beaumont, la présidente Gragnon, la générale Jarrousse, la préfète Hennebise, et même, disait-on, Mme  Lemarrois, la femme du maire, député radical, avaient fait présent d’un superbe drapeau tricolore, où le Sacré-Cœur était brodé, avec les mots : Dieu et patrie. Et c’était Jauffre lui-même qui devait porter ce drapeau, à la droite du maire de Jonville. Un extraordinaire concours de personnages importants ne cessait d’arriver depuis le matin : les notabilités de Beaumont avec les dames qui avaient fait les cadeaux ; le maire de Maillebois, Philis, accompagné de la majorité cléricale de son conseil ; puis, une nuée de soutanes et de frocs, un grand vicaire, délégué de monseigneur, le père Théodose et des capucins, le frère Fulgence et ses frères adjoints, le père Philibin, enfin le père Crabot en personne, très entourés et salués très bas. On remarqua l’absence de l’abbé Quandieu, pris au dernier moment d’une attaque de goutte violente.

Alors, à trois heures, sur la place de l’Église, une musique, venue du chef-lieu, attaqua une marche héroïque. C’était le conseil municipal qui arrivait, ayant à sa tête le maire Martineau, tous en écharpe ; tandis que l’instituteur Jauffre tenait à deux mains le drapeau du Sacré-Cœur. Il y eut une halte jusqu’à ce que le morceau de musique fût fini. Une foule énorme, des familles paysannes endimanchées, des dames en toilette, se pressaient, attendaient.