Page:Zola - Vérité.djvu/319

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Debout, Marc eut un geste de furieuse protestation. Mais il trouva la force de retenir les paroles de suprême violence, qui auraient rendu la rupture immédiate. Que dire et que faire ? Il reculait, comme toujours, devant l’affreuse tristesse de son foyer détruit, de son bonheur changé en une torture de chaque heure. Cette femme, qui se révélait bornée et surtout têtue, il l’aimait toujours, il avait toujours aux siennes le goût de ses lèvres, et il ne pouvait abolir les jours heureux des premiers temps de leur ménage, tout ce qu’ils avaient alors noué entre eux de fort et d’indestructible, l’enfant où ils s’étaient comme fondus, cause aujourd’hui de leurs querelles. Il y avait là une impasse où il se sentait acculé, garrotté, ainsi que tant d’autres avant lui. À moins de se conduire en brutal, d’arracher la fille à la mère, de recommencer chaque matin à désoler, à bouleverser la maison, il n’existait point de façon d’agir possible et pratique. Et, dans sa douceur, dans sa bonté, il était incapable de l’énergie froide nécessaire pour une lutte où saignaient son cœur et celui des siens. Aussi, sur ce terrain, se trouvait-il vaincu à l’avance.

Jusque-là, immobile, muette, Louise avait écouté son père et sa mère se disputer, sans se permettre d’intervenir. Depuis quelque temps, à les entendre ainsi n’être plus d’accord, ses grands yeux bruns allaient de l’un à l’autre, avec une expression attristée de surprise croissante.

— Mais, papa, dit-elle enfin au milieu du grand silence pénible qui s’était fait, pourquoi donc ne veux-tu pas que j’aille au catéchisme ?

Elle était très grande pour son âge, et elle avait un visage doux et calme, où les ressemblances mêlées des Duparque et des Froment se retrouvaient. Si elle gardait la face un peu longue des premiers, leurs mâchoires obstinées et solides, elle avait de ceux-ci le haut front,