Page:Zola - Vérité.djvu/328

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Marc l’écoutait, frappé de surprise, n’osant comprendre encore.

— Vous savez, monsieur Froment, ce malheureux Simon, l’instituteur, qu’on a condamné pour le viol et le meurtre du petit Zéphirin… Voilà plus de huit ans qu’il est au bagne, et vous m’avez dit souvent ce qu’il souffrait là-bas, des atrocités qui me rendaient malade… J’aurais voulu parler, oui ! je vous le jure, à plusieurs reprises, j’ai été sur le point de soulager ma conscience, tant le remords me hantait. Puis, j’étais lâche, je pensais à la paix de mon enfant, à tous les ennuis que j’allais lui causer… Hein ? étais-je assez stupide, je me taisais pour son bonheur, et voilà que la mort me le prend, c’est bien certain, parce que j’ai commis la faute de me taire !

Et elle eut un geste de folle, comme si l’éternelle justice tombait sur elle, en coup de foudre.

— Alors, monsieur Froment, il faut que je me soulage, voyez-vous. Il est peut-être temps encore, peut-être la justice me prendra-t-elle en pitié, si je répare ma faute… Vous vous souvenez, le modèle d’écriture dont on a tant cherché un autre exemplaire. Au lendemain du crime, Sébastien vous avait dit qu’il en avait vu un entre les mains de son cousin Victor, qui venait de l’apporter de chez les frères, malgré la défense ; et c’était vrai. Mais, le jour même, on nous effraya tellement, que ma belle-sœur força mon fils à mentir, en disant qu’il s’était trompé…

Puis, longtemps après, je retrouvais ce modèle, oublié dans un vieux cahier, et ce fut à cette époque que Sébastien, tourmenté par son mensonge, vous le confessa. Quand il revint m’apprendre cet aveu, je fus saisie de crainte, je mentis à mon tour, je lui mentis à lui-même en lui affirmant, pour calmer ses scrupules, que le papier n’existait plus, que je l’avais détruit. Et c’est sûrement là la faute dont je suis punie, le papier existe toujours, car je n’ai jamais osé le réduire en cendre, par un reste d’honnêteté…