Page:Zola - Vérité.djvu/352

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était un faux, ainsi que les experts l’avaient démontré. Il se trouvait bien forcé d’accepter l’invention de ses supérieurs, s’il voulait être soutenu et sauvé par eux. Il en maugréait, en haussait les épaules, tant c’était bête ; et il ne s’en inclinait pas moins, tout en prévoyant l’effondrement inévitable, plus tard. À ce moment, le frère Gorgias fut vraiment beau d’impudence railleuse, de mensonge héroïque. Dieu n’était-il pas derrière lui ? ne montait-il pas pour le salut de la sainte Église, certain que l’absolution laverait ses péchés ? Même il rêvait les palmes du martyre, chacune de ses pieuses ignominies lui vaudrait une joie au ciel. Et, dès lors, il ne fut plus qu’un instrument docile aux mains du frère Fulgence, derrière lequel agissait dans l’ombre le père Philibin, sous les ordres discrets du père Crabot. Leur tactique était de tout nier, même l’évidence, dans la crainte que la moindre brèche, au mur sacré de la congrégation, ne devînt le commencement de l’inévitable ruine ; et leur version absurde pouvait paraître imbécile à des cerveaux logiques, elle n’en constituerait pas moins longtemps encore la seule et l’unique pour le peuple abêti de leurs fidèles, avec lequel ils se permettaient de tout oser, connaissant sa crédulité sans bornes, insondable.

La congrégation ayant ainsi pris l’offensive, sans attendre la dénonciation dont le frère Gorgias était menacé, ce fut surtout le directeur de l’école, le frère Fulgence, qui se montre d’un zèle intempérant. Aux heures de grande émotion, son père, le médecin aliéniste mort dans une maison de fous, semblait renaître en lui. Il cédait à l’impulsion première, cervelle brouillée et fumeuse, détraqué de vanité et d’ambition, rêvant de rendre quelque éclatant service à l’Église, qui le ferait monter à la tête de son ordre. Aussi, depuis l’affaire, avait-il achevé de perdre son peu de sens commun, dans l’espérance d’y trouver la gloire attendue ; et, la voyant