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Page:Zola - Vérité.djvu/371

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d’une voix si tonnante, avec des gestes si rudes, que la version nouvelle était acceptée, devenait la officielle. Dès lors, Le Petit Beaumontais n’hésita plus, il adopta l’histoire du cachet faux, comme du paraphe faux, de cette préméditation abominable de Simon, qui, en commettant son crime, avait eu l’infernale ruse de le mettre au compte d’un saint religieux, pour salir l’Église. Et l’imbécile invention passionna les pauvres cerveaux du moyen peuple abêti par des siècles de catéchisme et de servitude, le frère Gorgias monta au rang des martyrs de la foi, à côté du père Philibin. Il ne pouvait plus paraître sans qu’on l’acclamât, des femmes baisaient le bord de sa robe, des enfants se faisaient bénir, tandis que lui, impudent, triomphant, haranguait les foules, se livrait à d’extravagantes parades, en idole populaire, certaine d’être applaudie. Mais, cependant, derrière cette assurance, les gens avertis, sachant la vérité, voyaient la détresse éperdue du misérable, forcé de jouer un rôle dont il sentait le premier l’inepte fragilité ; et il était bien évident qu’il y avait simplement là, sur la scène, un acteur, une tragique marionnette, que des mains invisibles faisaient mouvoir. Le père Crabot avait eu beau disparaître, se cloîtrer avec humilité dans sa cellule de Valmarie, froide et nue, son ombre noire passait sans cesse sur la scène, ses mains souples se devinaient, tirant les fils, poussant les pantins, travaillant au triomphe de la congrégation.

Au milieu des plus rudes secousses, et malgré l’opposition de toutes les forces réactionnaires coalisées, le ministre de la Justice dut saisir la Cour de cassation de la demande de révision, lancée par David, au nom de Mme Simon et de ses enfants. Il y eut là une première victoire de la vérité, dont la faction cléricale parut accablée un moment. Dès le lendemain, d’ailleurs, la lutte recommença, la Cour de cassation elle-même fut