Page:Zola - Vérité.djvu/392

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appris à l’estimer, en la voyant dégagée de l’erreur religieuse, s’efforçant de faire de ses écolières des raisons solides et des cœurs tendres. Puis, maintenant, à Maillebois, une sorte d’amitié passionnée lui était venue pour elle, tant elle réalisait son idéal de la femme éducatrice, initiatrice, la seule capable de libérer la société future. C’était maintenant sa certitude, aucun progrès sérieux ne se réaliserait, si la femme n’accompagnait l’homme, ne le précédait même, sur la route de la Cité heureuse. Et combien cela était réconfortant de rencontrer au moins une des annonciatrices, très intelligente, très simple et très bonne, accomplissant sa besogne de salut comme une fonction même de sa tendresse humaine ! Elle se trouva ainsi être pour lui, dans le drame intime qui le torturait, l’amie sereine et gaie, la consolation et l’espérance.

Cela commença par la satisfaction que Marc éprouva lorsque Louise ne fut plus aux mains de Mlle Rouzaire. Il ne pouvait la retirer de l’école voisine, il souffrait de la savoir sous l’autorité d’une dévote d’ambition, travaillant à son avancement en conduisant ses élèves à la messe. Puis, il y avait aussi l’embarras que lui causait ce détestable voisinage, l’école des garçons instruite par lui en dehors de toute conception religieuse, tandis que l’école des filles suivait les processions, se confessait et communiait. Les deux instructions se heurtaient, se nuisaient, le contrecoup retentissait dans les familles en continuelles querelles. C’était d’ailleurs de la sorte que la France se trouvait coupée en deux peuples ennemis, luttant sans fin, éternisant la misère sociale. Comment le frère et la sœur, le mari et la femme, le fils et la mère pourraient-ils jamais s’entendre, puisque, dès le berceau, on leur construisait des cervelles désappareillées, où ni les idées ni les mots n’avaient la même valeur ? Si, d’une part, le bon Salvan avait voulu soulager Marc