Page:Zola - Vérité.djvu/476

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revit au loin, sous les vastes ombrages, la marquise de Boise qui riait tendrement entre son bon ami Hector et sa bonne amie Lia, dans une délicieuse et lente promenade.

Le soir du même jour, Marc alla rue du Trou, chez les Lehmann, où il avait donné rendez-vous à David. Il y tomba dans une joie délirante. Une dépêche, envoyée par un ami de Paris, venait d’y apprendre que la Cour de cassation avait enfin rendu un arrêt, à l’unanimité des voix cassant l’arrêt de Beaumont et renvoyant Simon devant la cour d’assises de Rozan. Ce fut pour lui un trait de lumière, le père Crabot lui sembla d’une sottise plus excusable : évidemment, très bien renseigné, il connaissait déjà la nouvelle, et il avait voulu uniquement devant la révision acquise, sauver ce qu’il croyait pouvoir sauver encore. Chez les Lehmann, on pleurait de joie, le long malheur était fini, Joseph et Sarah embrassaient éperdument Rachel, la mère, l’épouse vieillie, épuisée, dans leur ivresse du retour prochain de ce père, de ce mari, tant regretté, tant souhaité. On oubliait les outrages, les tortures, car l’acquittement était désormais certain, personne n’en doutait plus, ni à Maillebois, ni à Beaumont. Et David et Marc, les deux bons ouvriers de la justice, s’embrassèrent également, en un grand élan attendri.

Mais les jours suivants, les inquiétudes devaient recommencer. Au bagne, Simon venait de tomber si dangereusement malade, qu’on allait, longtemps encore, être dans l’impossibilité absolue de le ramener en France. Des mois et des mois s’écouleraient peut-être, avant que les débats du nouveau procès pussent s’ouvrir à Rozan. Et tout le temps nécessaire serait ainsi donné à l’injustice pour lui permettre de revivre et de croître de nouveau dans le mensonge et dans la lâche ignorance des foules.