Page:Zola - Vérité.djvu/487

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sottise et de ce trop d’impudence, car elle baissait de nouveau les yeux, de son air troublé.

— Écoute, reprit-il, permets-moi de t’envoyer l’enquête publiée au complet, avec les documents à l’appui, et promets-moi de tout lire attentivement, loyalement.

Mais elle releva la tête avec vivacité.

— Non, non, ne m’envoie rien, je ne veux pas.

— Pourquoi ?

— Parce que c’est inutile. Je n’ai besoin de rien lire.

Il la regardait avec découragement, repris de tristesse.

— Dis que tu ne veux rien lire.

— Mon Dieu ! oui, si ça te plaît ainsi, je ne veux rien lire… À quoi bon ? comme dit grand-mère. Ne faut-il pas toujours se défier de sa raison ?

— Tu ne veux rien lire, parce que tu as peur d’être convaincue, parce que tu doutes de tes certitudes d’hier.

Elle eut un simple geste de lassitude, d’amère insouciance.

— Et tu portes en toi la conviction de l’abbé Quandieu, avec épouvante tu te demandes comment un saint prêtre peut croire à une innocence qui te forcerait à renier les années d’erreur dont tu viens de torturer notre pauvre ménage.

Cette fois, elle n’eut pas même de geste, elle sembla ne plus vouloir entendre. Ses regards restèrent un instant fixés à terre. Puis, lentement :

— Ne prends pas plaisir à me chagriner davantage. Notre vie est rompue, c’est une chose finie, je me jugerais plus coupable encore, si je retournais près de toi. Et quel soulagement personnel aurais-tu à t’imaginer que je me suis trompée, que je ne trouve pas chez ma grand-mère la maison de paix et de foi, où j’ai cru me réfugier ? Mon mal ne guérirait pas le tien.