Page:Zola - Vérité.djvu/521

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âpre et nerveux, d’une éloquence passionnée, reprit aussi toute l’affaire. Mais il la reprenait pour détruire, grâce aux arguments fournis par l’enquête de la Cour de cassation, les faits allégués dans l’ancien acte d’accusation. Il n’en restait pas un debout, la preuve était faite du retour de Simon à pied, de son arrivée à Maillebois vers minuit moins vingt, lorsque le crime était commis depuis une heure déjà ; surtout, la preuve était faite de l’authenticité du modèle d’écriture, timbré à l’école des frères, paraphé par le frère Gorgias, dont l’aveu n’était pas même nécessaire, puisque des contre-expertises retentissantes avaient ruiné l’extraordinaire rapport des sieurs Badoche et Trabut. Et là, il examina la version nouvelle, surtout la prétendue fabrication du faux cachet. Aucune preuve n’avait pu être donnée ; mais il n’en insista pas moins, sentant bien sous la louche manœuvre, les affirmations et les réticences, quelque abomination suprême. Une femme, avait-on dit, tenait d’un ouvrier malade la vague histoire d’un cachet fabriqué pour l’instituteur de Maillebois. Où était cette femme ? que faisait-elle ? et, personne ne pouvant ou ne voulant répondre, il était en droit de conclure à un de ces absurdes mensonges, comme Le Petit Beaumontais en avait tant lancé. Cependant, s’il avait pu reconstituer tout le crime, le frère Gorgias revenant de conduire Polydor, passant devant la fenêtre ouverte de Zéphirin, s’approchant et causant, finissant par sauter dans la chambre, par céder à une démence de rut et de mort, devant le pauvre infirme en chemise, si rose, si rieur, avec sa tête de petit ange blond, il avouait qu’une lacune existait encore, dans sa reconstitution de l’affreuse scène ; où donc le frère Gorgias avait-il pris le modèle d’écriture ? car il avait raison, quand il goguenardait, en demandant si l’on a l’habitude de se promener ainsi, le soir, avec des modèles d’écriture dans sa poche. Le numéro du Petit Beaumontais s’y trouvait certainement,