Page:Zola - Vérité.djvu/546

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basse de la crédulité publique achevait de la révolter contre lui, en l’éclairant brusquement sur la vénalité du personnage. Et ce n’était pas seulement le moine dont le caractère s’avilissait en elle, c’était encore le culte qu’il représentait, cette religion qui l’avait si longtemps ravie en une délicieuse exaltation de désir mystique. Quoi donc ? était-ce ce commerce indigne, cette superstition idolâtre qu’elle devait accepter, si elle voulait rester une catholique pratiquante, fidèle à sa foi ? Longtemps, elle s’était soumise aux croyances, aux mystères, même lorsque, sourdement, son bon sens naturel protestait ; mais il était pourtant des bornes, elle ne pouvait aller jusqu’à cette mise en actions du ciel, elle refusait de marcher derrière ce saint Antoine rouge et or, promené comme un mannequin de réclame, pour décupler aux guichets la foule des souscripteurs. Et, surtout, ce qui accrut encore en elle cette révolte de la raison, ce fut la retraite de l’abbé Quandieu, de ce directeur si doux et si humain auquel elle était retournée, à la suite des ardeurs suspectes du père Théodose. Pour qu’un tel homme ne se sentit plus la force de vivre dans l’Église, telle que la faisait une politique cléricale de haine et de domination, ne fallait-il pas qu’il devînt difficile aux âmes droites et bonnes d’y rester désormais ?

Mais, sans doute, jamais Geneviève n’aurait évolué si vite, grâce aux circonstances, si un travail préparatoire ne s’était déjà fait en elle, lentement, à son insu. Il fallait, pour bien saisir les causes premières, reprendre toute son histoire. Tenant de son père, tendre, gaie, passionnée, ayant des sens, elle s’était prise d’amour pour Marc, le voulant, le désirant, jusqu’à consentir à vivre au fond d’un village perdu, lasse à dix-huit ans du même intérieur de Mme Duparque, elle avait paru un instant dégagée de son éducation pieuse, elle s’était donnée à