Page:Zola - Vérité.djvu/562

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aime, et j’ai beau faire, je l’aime toujours : est-ce donc là le poison ?… J’ai lutté cinq ans, j’ai voulu me donner toute à Dieu, pourquoi Dieu n’a-t-il pas comblé le néant affreux de mon être, où je m’efforçais de faire le vide complet, pour l’y recevoir seul, en maître unique ? La religion n’a satisfait ni mon bonheur d’épouse ni ma tendresse de mère, et si je retourne à ce bonheur et à cette tendresse, c’est dans l’effondrement de ce ciel où je n’ai trouvé que déception et que mensonge.

— Tu blasphèmes, ma fille, et tu en seras châtiée par de plus cruelles souffrances… Si le poison qui t’a torturée ne venait pas de Satan, il faudrait donc qu’il vînt de Dieu. La foi t’abandonne, tu es sur le chemin de la négation, de la perdition totale.

— C’est vrai, voici des mois que j’ai cessé de croire un peu chaque jour. Je n’osais me l’avouer à moi-même, mais c’était au milieu de mes amertumes, un travail lent qui emportait mes croyances d’enfant et de jeune fille… Est-ce singulier ! toute cette enfance chimérique, toute cette jeunesse dévote s’étaient réveillées en moi, avec les beaux mystères, les cérémonies du culte, l’ardent désir de Jésus, lorsque je suis venue me réfugier ici. Et, quand j’ai pu de nouveau m’abîmer dans l’au-delà des mystères, quand j’ai voulu me donner à Jésus, au milieu des chants et des fleurs, ces rêves ont peu à peu pâli, sont devenus des imaginations décevantes où rien de mon être vivant ne se contentait plus… Oui, le poison, ce serait donc cette éducation première, cette erreur où j’ai grandi, dont un réveil plus tard m’a fait tant souffrir, et dont je ne guérirai que le jour où le ferment mauvais en sera complètement éliminé… Guérirai-je ? je suis si combattue encore !

Mme Duparque se contenait, comprenant qu’une violence de sa part achèverait la rupture entre elle et les deux femmes, les seules créatures qui restaient de sa race,