Page:Zola - Vérité.djvu/618

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sortait de ses milliers d’écoles communales, les humbles instituteurs primaires achevaient ce prodige de refaire la nation, pour les futures grandes besognes de vérité et de justice. Tout allait partir de l’école, elle était le champ fécond des progrès infinis, on la trouvait à la naissance de chaque réforme accomplie, de chaque nouvelle étape vers la solidarité et la paix. Ce qui avait semblé impossible la veille, s’accomplissait aujourd’hui avec aisance, au milieu d’un peuple meilleur, délivré de l’erreur et du mensonge, sachant et voulant.

Et ce fut ainsi que Delbos, aux élections de mai, battit enfin Lemarrois, le député radical, maire de Beaumont pendant de si longues années. Ancien ami de Gambetta, ce dernier semblait ne devoir jamais être dépossédé de ce siège, tellement il apparaissait alors comme la représentation exacte de la moyenne française. Mais, depuis cette époque, les événements s’étaient précipités, la bourgeoisie avait trahi son passé révolutionnaire, en s’alliant à l’Église tenter de ne rien céder du pouvoir usurpé jadis. Elle entendait garder les privilèges conquis, ne partager ni sa royauté, ni son argent, quitte à user de toutes les anciennes forces réactionnaires, à refouler dans le servage le peuple désormais éveillé, instruit, dont le flot montant la terrifiait. Et Lemarrois était l’exemple typique du bourgeois républicain d’hier, croyant devoir défendre sa classe, tombant à une sorte d’involontaire réaction, dès lors condamné, emporté dans la débâcle inévitable de cette bourgeoisie pourrie hâtivement par cent années de négoce et de jouissance. L’avènement du peuple devenait fatal, le jour où il aurait conscience de sa toute-puissance, des réserves inépuisables d’énergie, d’intelligence et de volonté qui dormaient en lui, et il devait suffire que l’école l’émancipât, le tirât du lourd sommeil de l’ignorance, pour qu’il prît toute