Page:Zola - Vérité.djvu/675

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Des larmes étaient montées aux yeux de Marc, tant cette bonne pensée pour son camarade, le douloureux innocent, le touchait.

— Vous approuvez mon idée ? demanda Adrien, très ému lui-même de le voir si attendri.

Marc se leva et l’embrassa.

— Oui, mon enfant, je l’approuve, et vous me donnez là une des plus grandes joies de mon existence.

— Merci, mon maître, et ce n’est pas tout… Attendez, je vais vous montrer le plan de la maison que j’ai fait déjà, car je serai très heureux d’en conduire les travaux gratuitement, certain de trouver des entrepreneurs et des ouvriers pour la construire avec des rabais considérables.

Il disparut une minute, revint avec le plan, qu’il étala sur la table de jardin, à l’ombre du vieux pommier familial. Et tout le monde s’approcha, se pencha, pour voir. C’était en effet une maison très simple, mais très aimable élevée de deux étages, avec une façade blanche, entourée d’un jardin, que fermait une grille. Au-dessus de la porte, on voyait une plaque de marbre.

— Il y aura une inscription ? demanda Marc.

— Certes, la maison est faite pour l’inscription… Voici celle que je compte proposer au conseil municipal : « La ville de Maillebois, à l’instituteur Simon, pour la vérité et la justice, en réparation de ses tortures. » Et ce sera signé « Les petits-fils de ses bourreaux ».

Fernand et Lucile eurent un geste de protestation et d’inquiétude, en regardant leur fille Claire. Vraiment, c’était trop : elle ne pouvait laisser son mari se compromettre à ce point. Mais Claire souriait, appuyée tendrement à l’épaule d’Adrien. Elle répondit indirectement au silence consterné de son père et de sa mère :

— Monsieur Froment, j’ai collaboré à l’inscription, je veux qu’on le sache.